Comment ne pas saluer une évolution de logo?
Le quotidien Le Temps nous annonce ce matin que Starbucks est une marque peu connue (!). Je ne peux que m’étonner de voir la presse et aussi certains blogs comme celui de l’agence Label comparer le nouveau logo Starbucks à la débâcle du logo Gap (un petit rappel ici et là). Il n’y a aucune comparaison possible aussi bien sur le fond que sur la forme.
Pour ceux qui vivraient sur une autre planète, Starbucks est une marque américaine de forte notoriété qui fête ses 40 ans cette année et qui dispose de pas moins de 16’000 boutiques dans 50 pays. Sa spécialité: le café (frapuccino, macchiatto… et tutti quanti), à déguster sur place ou à l’emporter, ainsi qu’une large gamme de produits dérivés ou qui accompagnent votre café. En Suisse, la marque s’implante à Zurich en 2001 et se déploie rapidement sur tout le territoire avec aujourd’hui plus de 40 boutiques. Starbucks inconnue? Pas tant que cela.
Mercredi, Howard Schultz, CEO Starbucks a dévoilé le nouveau logo qui annonce une ère stratégique de croissance (voir vidéo ci-dessus). Le logo est bien évidemment la pointe de l’iceberg de cette nouvelle Corporate Identity et c’est ce qui vaut aujourd’hui à Starbucks de récolter maintes critiques aussi bien positives que négatives, parfois trop émotionnelles et dénuées d’un semblant d’analyse.
Social Business – Starbucks n’est pas Gap
Une des principales raisons qui me laisse croire que certains détracteurs ont tort, c’est le virage digital que l’entreprise a su prendre depuis plusieurs années. Je ne parle pas du nombre de followers sur Facebook ou Twitter, les statistiques quantitatives ne sont pas représentatives. Il faudrait être plutôt attentif à la discussion et au dialogue que la marque génère et ce qu’elle en fait. Avouons que Starbucks est passé maître dans l‘art de construire un social business aussi bien avec de ses collaborateurs et fournisseurs qu’avec ses clients.
Est-il nécessaire de rappeler que Starbucks à l’instar de Dell, Zappos, Best Buy, Pepsi, est l’une des marques les plus sociales au monde. Entendez par là, la situation actuelle n’est pas très effrayante pour Starbucks, car elle est rompue aux techniques de communication digitale, elle sait écouter, dialoguer, engager et co-créer avec ses utilisateurs. Rien à voir avec Gap qui ne s’était jamais vraiment frotté au monde digital.
Utilité de la marque
“La marque doit être à l’écoute de ce que ses consommateurs disent d’elle”, ce raccourci devenu aujourd’hui un argument galvaudé et simpliste n’est plus suffisant. La marque doit écouter, mais elle doit avant tout créer de l’utilité ou un cadre d’utilité qui servent mutuellement la marque et la communauté: il faut avouer que Starbucks le fait très bien avec My Starbucks Idea, une plateforme où chacun peut proposer des idées pour améliorer les services. Ces idées sont triées, mis au vote de la communauté. Si seules quelques uns de ces projets sont réellement implémentés par Starbucks, le processus de soumission et de dialogue autour des idées nourrit la réflexion et l’amélioration du business. C’est cela la social intelligence aujourd’hui.
Simplicité
L’évolution du logo s’inscrit dans un évolution stratégique de l’entreprise: Starbucks ne vendra plus uniquement du café et des sandwichs. En d’autres termes, son business se complexifie et doit à l’avenir être clairement identifiable selon l’industrie qu’elle abordera. La marque, aujourd’hui suffisamment forte, peut évidemment simplifier et épurer son logo, car Starbucks est devenu une marque iconique, une love marque à l’image d’Apple ou de Nike. Culturellement, le nouveau logo paraîtra probablement inapproprié dans les pays du Moyen-Orient, cependant, j’ose espérer que Starbucks associé à Lipincott – Design and Brand Strategy Consultung ont réfléchi à ce type d’adaptations.
Design épuré
Simplification sans perdre l’essence de la marque. Les éléments emblématiques sont toujours présents: sirène et couleur verte. Le nom “Starbucks” et le mot “coffee” disparaissent du logo lui-même, au profit d’une capitalisation sur l’élément iconique de la sirène… déjà présent depuis 40 ans. Va-t-on encore comprendre que la sirène vend du café. Je dirais, et plus encore! Avec cette évolution du logo, Starbucks s’affirme comme une marque lifestyle telle que Apple ou Nike, plus que comme une marque de vente au détail.
Obviously with a brand with such a huge profile as Starbucks, we approach this change very sensitively. We actually explored a very wide range of options and when we stood back and looked from afar as well as looked close, we all unanimously gravitated toward the images that freed the siren from the word mark. We really took inspiration from companies like Nike where at one point they separated the word “Nike” from the “swoosh” in their logo. This allows us to bring our identity to life anytime and anywhere. You’ll see it as we apply it to our white cups that will be showing up in stores around the 40th anniversary.
– Terry Davenport, Starbucks’ svp
Logo: attraction – répulsion
Les consommateurs détestent le changement, on le sait. Mais les marques doivent évoluer avec leur temps et en fonction de leur objectifs stratégiques. En pleine croissance et en année jubilée, Starbucks a bien raison d’adapter son image.
La plupart des nouveaux logos provoquent le mécontentement. Facebook et Twitter ne génèrent pas l’ire des foules, ils l’amplifient et la globalisent. En Suisse aussi, UBS, Credit Suisse, Swisscom ou même les TL pour Les transports publics lausannois ont tous eu leur heure d’introduction plus ou moins bien négociée avec un retour presse, courrier des lecteurs, etc. parfois désastreux.
La marque n’est pas un produit, elle est une entité bien plus complexe qu’un simple élément visuel. Le logo a pour fonction de synthétiser cette complexité. L’identité visuelle en passant par la tonalité d’expression de la marque doit soutenir la mission, les valeurs et les objectifs de la marque. Bref, quand une de nos marques favorites change son logo, c’est un peu comme si votre meilleure amie débarquait avec une nouvelle couleur de cheveux ou le look de Lady Gaga. Vous aurez besoin d’un petit temps d’adaptation…
Mon logo, mon doudou
Un logo n’appartient pas aux consommateurs, cependant ces derniers se l’approprient peu à peu en tissant une relation avec la marque. Ce lien émotionnel, construit sur des valeurs partagées, peut être malmené lors d’un changement, aussi infime soit-il. Il peut s’agir d’un déchirement ou d’une trahison lorsque Gap nous propose un logo qui est complètement différent sans aucune explication. Gap a très naïvement jeté son logo en pâture. Il n’en est rien de Starbucks.
Si les marques (et les agences) se fiaient aux remarques courroucées du public pour leurs nouveaux produits ou leur identité, je ne suis pas sûre que le swoosh de Nike, la pomme d’Apple ou le “trefoil” d’Adidas auraient vu le jour. J’en aurais pleuré.
Whatever happens next, it won’t be what you expected.
If it is what you expected, it isn’t what’s happening next.
– Brian Eno