Fasciné par Avatar, Dexter, Mad Men ou la campagne Old Spice? Leur secret: le transmedia. Issu de pratiques courantes dans l’entertainment marketing, le transmedia est un modèle de communication qui prend inexorablement de l’importance. Décortiqué dans Convergence Culture (Jenkins, 2006), il repose sur trois concepts: la convergence des médias, la culture de la participation et la collaboration.
Des consommateurs pas si idiots
Décliner la Big Idea sur une multitude de médias n’est plus à l’ordre du jour. La simple répétition du message lasse, l’interruption agace, le monologue ne crée pas de lien. Le crossmedia est mort. L’utilisation «neutre» du média réduit votre campagne à un message simpliste, alors que le consommateur d’aujourd’hui aspire à être diverti, émerveillé, informé, défié (ah la complexité!) et à utiliser votre marque pour servir ses idéaux ou son ego. Cela porte un nom: la participation. Le transmedia storytelling incite les utilisateurs à partager et donc à participer en contribuant à enrichir la connaissance de la communauté. Et dans ce participatif, l’utilisateur agit et influence le résultat, plutôt que d’être simple spectateur.
Complexité et ubiquité
Pourquoi les marques telles que Nike (Nike Grid), Coca-Cola (Happiness Factory) ou Volkswagen (The Fun Theory) sont-elles tant appréciées? Parce que l’univers exprimé par la marque offre une multitude de points d’entrée (spot, jeu vidéo, site, event, shop, produit…) qui sont autant de facettes et de récits qui se font écho, contribuant ainsi à une histoire plus vaste, sorte de saga mythologique de la marque.
Transmedia & planning: un modèle
Inspiré par l’ouvrage Convergence Culture, Faris Yakob définit le transmedia planning comme un modèle de communication conçu pour créer et communiquer avec les communautés de marque. Dans ce modèle, le récit de marque est en évolution non linéaire. Il repose sur l’utilisation de différents canaux pour communiquer des éléments distincts et autonomes de la narration de la marque et contribuer ainsi à la construction d’un univers plus complexe. Les consommateurs choisissent eux-mêmes la partie du récit qui les intéresse. Etant donné que les éléments de communication sont nombreux et représentent bien plus que ce qu’une seule personne pourrait raisonnablement consommer, les utilisateurs se rassemblent en général pour partager les éléments du récit, générant ainsi du bouche à oreille et la création de nouvelles communautés.
Vous rêvez d’adhésion, mais ne récoltez qu’attention… Votre consommateur vous fait-il sentir que votre marque le transcende?
Jeudi dernier j’ai passé la journée à TEDxTransmedia (@tedxtransmedia) avec quelques broadcasters et producteurs internationaux passionnés par un phénomène qui n’est pas nouveau mais qui prend une importance croissante dans l’entertainment marketing : le transmedia.
Je vous arrête dans votre élan! Qu’est ce que le trans…? Cousin du crossmedia, le transmedia n’est pas une innovation récente, mais un storytelling immersif doublé d’une décentralisation autoriale. Le storytelling transmedia offre la consolidation d’un univers diégétique et transforme ce dernier en oeuvre d’art totale. Là où le crossmedia raconte simplement la même histoire indifféremment du canal, le transmedia offre un vrai puzzle narratif.
Oui, je vous assure que vous y avez déjà goûté, pensez à Walt Disney et ses personnages, ses BD, ses films et ses parcs à thèmes qui sont autant de points d’entrée qui permettent de tisser des liens réels avec les personnages fictifs. A l’instar de la saga Star Wars et sa déclinaison de produits en livres, jeux, figurines, jeux de rôles multipliant les passages entre notre quotidien (surtout celui des fans) et le monde de Darth Vador. D’autres encore: Superman ou Matrix, mais surtout Batman The Dark Knight (2008) avec le site whysoserious.com (qui n’est autre que le site du Joker!) qui a fait triper les fans en chasse d’indices macabres bien avant que le film ne sorte. Cela rappelle aussi les techniques utilisées innocemment pour la promotion du film Blair Witch Project (1999) ou plus récemment Avatar (2009) dont certains spectateurs fascinés par la culture des Na’vi sur Pandora cherchent à revivre l’expérience en étudiant sa langue. Immersion? C’est le moins que l’on puisse dire.
En 2008 lors d’un voyage à New York, un panneau publicitaire m’avait intriguée à Times Square. Une pub pour une compagnie aérienne bien connue et disposant manifestement d’un solide budget média: Oceanic. Déjà entendu parlé? Lorsque je me suis rendue sur le site web indiqué Find815.com, la réalité a rejoint la fiction… La compagnie aérienne de la série LOST et celle de cette publicité ne font qu’un. Inutile de dire que cet élément a alimenté l’intrigue et donné du fil à retordre aux spectateurs/utilisateurs aussi bien online que offline.
En clair… le transmedia?
Parmi les trois éminents spécialistes du transmedia, deux d’entre eux ont fait le déplacement à TEDxTransmedia. L’évolution technologique ces dix dernières années ne va pas sans accélérer l’introduction du transmedia dans quasiment toutes les productions actuelles. En voici les quelques aspects principaux:
Henry Jenkins (@henryjenkins, qui n’était pas présent à TED) a été le premier à définir le terme transmedia en 2003 dans Technology Review.
Transmedia storytelling is storytelling by a number of decentralized authors who share and create content for distribution across multiple forms of media. Transmedia immerses an audience in a story’s universe through a number of dispersed entry points, providing a comprehensive and coordinated experience of a complex story. Henry Jenkins, Convergence Culture
Steven Dinehart (@stephendinehart), designer et spécialiste du storytelling insiste sur le rôle métamorphosé du public. De passif à actif, le public devient conjointement spectateur, utilisateur et joueur, soit VUP comme le définit Dinehart: viewer/user/player. Ce concept paraît évident en gaming ou pour ceux qui connaissent bien les médias sociaux, mais il est nouveaux pour la télévision. Engager et participer sur ces différentes plateformes est un comportement normal et intégré pour les Millennials (Génération X, nés après 1980 et âgé de 18 à 30 ans).
In a transmedial work the viewer/user/player (VUP) transforms the story via his or her own natural cognitive psychological abilities, and enables the Artwork to surpass medium. It is in transmedial play that the ultimate story agency, and decentralized authorship can be realized. Thus the VUP becomes the true producer of the Artwork. The Artist authored transmedia elements act a story guide for the inherently narratological nature of the human mind (see illustration) to become thought, both conscious and subconscious, in the imagination of the VUP. Stephen Dinehart
Jeff Gomez (@Jeff_Gomez) ne se présente plus. S’inspirant des nouvelles possibilités d’intertextualité et de la mutliplicité croissante des plateformes de média, il tisse grâce à un solide planning stratégique de riches histoires qui propulsent l’utilisateur dans un monde immersif. Ces productions remarquables offrent de nouveaux flux de revenu. Quelques clients et projets: Halo (Microsoft), Le pirate de Caraïbe (Disney), Avatar, Happiness Factory (Coca-Cola). Jeff Gomez ne se résume pas. Ci-dessous une vidéo qui vous donnera une idée de sa vision.
Coup de coeur
La journée était riche d’une dizaines d’intervenants. Outre Jeff Gomez qui a su tenir son public en haleine, Frédéric Kaplan (@frederickaplan) a su captiver l’assistance avec une démonstration de QB1, l’ordinateur – fruit de ses recherches – avec lequel l’utilisateur interagit uniquement par le mouvement.
Christopher Sandberg (@thecompanyp) Creative Director suédois et CEO de la prolifique The Company P a remporté un Emmy Award en 2008 pour la production transmediale The Truth about Marika. Son maître mot est: “Start with dreams, forget technologies and think about what you convey”.
Enfin Dan Hon (@hondanhon) de Wieden+Kennedy London – que j’ai déjà eu l’occasion d’écouter lors de la récente PSFK Conference London. Partant d’un point de vue très personnel, Dan nous a expliqué que lors de ses études d’avocat, il était avant tout un “geek procrastinateur” (il se définit ainsi). En 2001, il regarde le film A.I. Artificial Intelligence et se met en quête de rencontrer Jeanine Salla créditée au générique dans le team scientifique en tant que Sentiment Machine Therapist. Les êtres artificiels ont-ils une âme? Pas pour l’instant. Mais en contactant Salla, il va découvrir que cette scientifique du futur fait partie d’une vaste opération transmédiale. Plus sur le Mystère A.I.
Jeanine Salla is a fictional character who was created as part of a marketing scheme for the film “Artificial Intelligence”. Jeanine Salla was a name placed in countless clues in film posters, websites, previews, and commercials. Starting from her name, people were drawn into a highly complex interactive “game” that involved websites, phone calls, emails, faxes, and teams of “players” working around the world to solve the clues. IMDb
En quoi le transmedia est-il d’intérêt pour le planning stratégique?
Cela fera l’objet d’un projet billet.